Qu’est-ce que l’affûtage?
- bouliannerobin
- 12 août
- 5 min de lecture
L’affûtage d’une scie est plus complexe qu’il n’y parait. Les points suivants sont corrigés lors d’un bon affutage :
1- L’élimination des rayons dans les arêtes frontale et latérale;
2- La correction de l’angle d’attaque;
3- Le décalage d’avoyage;
4- La correction de l’angle d’attaque latéral;
5- L’agrandissement du compartiment à copeaux;
6- Élimination des micro-fissures.
Si l’un ou l’autre de ces 5 points est laissé pour compte, la performance de sciage s’en trouvera affecté. Pour le reste du document, nous traiterons de l’affûtage d’une lame de moulin à scie à ruban typique.
L’élimination des rayons dans les arêtes frontale et latérale
La photo suivante montre une dent de lame de scie à ruban qui ne coupe plus. Les reflets plus prononcés visibles sur la pointe (voir dans le cercle rouge) et sur le côté de de la dent témoignent que les arêtes ne sont plus coupantes. Il s’est formé un rayon sur ces 2 arêtes qui fait que la dent glisse sur les fibres de bois plutôt que les couper. Considérant le facteur de grossissement de la loupe utilisée, le lecteur comprendra que la dégradation de l’arête de coupe est vraiment minuscule mais ses effets sont importants.



Sur les photos suivantes, on voit une dent qui vient tout juste d’être affutée. Il n’y a plus de reflet visible sur les arêtes alors la dent coupe.


La correction de l’angle d’attaque frontal
L’angle d’attaque frontal (Rake angle) est l’angle que forme le devant de la dent par rapport à la ligne de déplacement de la lame dans le bois (i.e. à une ligne perpendiculaire au dos de la lame). Cet angle est fonction de l’essence du bois scié mais typiquement, il est de +10 - +11 degrés.
Même bien affutée et bien avoyée une lame sera difficile à pousser si l’angle d’attaque des dents est négatif. Par opposition, un angle positif trop prononcé fera en sorte que les dents s’agripperont dans le bois et la lame peut caler ou débarquer.
Certains matériaux se coupent mieux avec un angle d’attaque négatif. Cependant, si votre affûteur lime un angle d’attaque négatif votre lame ne performera vraiment pas si tant même elle scie un peu.

Le décalage d’avoyage
Le décalage d’avoyage confère un espace suffisant à la lame pour éviter qu’elle frotte de chaque côté du trait de scie. Si les dents n’étaient pas avoyées, le frottement de la lame sur le bois la ferait chauffer et autant la rotation que l’avancement en serait sérieusement affecté.
Qui plus est, le principal facteur qui fait en sorte que le sciage n’est pas droit ou encore qu’il y a des ondulations dans le sciage est un défaut d’avoyage. Un avoyage symétrique équilibrera les espaces également de chaque côté de la lame et la coupe sera droite et parallèle au rail du moulin.
Typiquement, l’avoyage est de la moitié de l’épaisseur de la lame. Cet ajustement fera en sorte que le trait de scie sera le double de l’épaisseur de la lame. Par exemple, l’avoyage typique d’une lame de 0,042 pouce d’épaisseur est de 0.021 pouce. Le trait sera alors de 0.041 + 2 X 0.021 = 0.084 pouce.
Les dents ne sont pas toutes avoyées. Sur un groupe de 3 dents consécutives, il y en a une qui tend vers le bas, une que reste droite et la dernière tend vers le haut.
Il est à noter qu’un avoyage asymétrique est presque la pire chose qui soit dans ce domaine. Dans cette situation, la lame plongera ou lèvera et il n’est pas possible de corriger la situation avec la lame fautive.
La photo suivante montre très bien le décalage d’avoyage d’une dent. La dent est croche d’un côté.

La correction de l’angle d’attaque latéral
L’avoyage doit se faire avant l’affûtage sans quoi, l’angle d’attaque latéral sera négatif. Tout comme l’angle d’attaque frontal, l’angle d’attaque latéral devrait idéalement être positif. Les affûteuses bon marché qu’on trouve sur le marché ne permettent cependant pas la correction de cet angle car ça les compliquerait passablement. Cela dit, il est impératif que cet angle soit à tout le moins nul car s’il est négatif sur la dent avoyée en bas, il sera positif sur la dent avoyée en haut. La lame s’en trouvera déséquilibrée et on peut encore se retrouver dans une situation de coupe plongeante ou ondulée. Il est donc de bon aloi de mettre la meule parfaitement à l’équerre par rapport à la lame lors de l’affûtage.
La photo précédente monte un angle d’attaque latéral légèrement négatif. La photo suivante montre un angle d’attaque latéral droit.

L’agrandissement du compartiment à copeaux
L’affûtage doit aussi faire en sorte que les copeaux de bois retirer par la dent de la scie n’altère pas la performance de sciage. On doit comprendre ici qu’une dent qui amorce un billot de bois de 24 pouces de diamètre retirera plus de copeaux bois que si la largeur de sciage n’est que de 2 pouces. En conséquence, le volume de la gorge de la dent doit être suffisamment grande pour accumuler les copeaux des pièces de bois les plus larges. L’affûtage doit donc suivre le profil de la gorge.
Cette précaution amène cependant un effet négatif car ceci signifie que la largeur de la lame sera moindre après l’affûtage. Par conséquent, la force de tension appliquée sur la lame doit être légèrement réduite au fur et à mesure que la lame subit des affûtages.
La gorge de la dent est identifié par l’encerclé en rouge dans le croquis suivant :

Élimination des micro-fissures
La limite élastique d’un matériau est la valeur de tension maximale qu’il peut subir sans s’étirer de façon irréversible. Il y a une raison pour laquelle les recommandations de tension fournies par les manufacturiers de lames se tiennent loin de la limite élastique : c’est que les contraintes internes dans l’acier de la lame ne sont pas uniformes.
Ainsi, lorsqu’on pousse sur le chariot du moulin, la partie de la lame placée entre les 2 galets sbit une force de déflection vers l’arrière. De même, comme la dent est en porte-à-faux, sa base est sollicitée en arrachement. Il y a alors concentration de contraintes. C’est donc l’endroit de prédilection pour les amorces de fissures. Voir la photo suivante :

Les amorces de fissure sont des endroits idéaux pour favoriser la rupture complète de la lame. Un bon affûtage doit donc les enlever afin d’allonger la durée de vie de la lame.
Conclusion
Comme on l’a démontré, l’affûtage d’une lame de scie à ruban comporte plusieurs aspects importants. La déchéance de coupe est vraiment tangible malgré le fait que les dégradations sont microscopiques et à peine visibles à l’œil nu. Un affûteur avisé prendra les précautions nécessaires pour optimiser tous les paramètres de coupe. Il est aussi de son devoir d’informer l’utilisateur concernant les observations faites lors de l’affûtage (propreté, dents cassées, fissures, réduction de tension, difficultés d’avoyage, etc.
Il va aussi sans dire que la performance d’une lame dépend tout autant de l’affûteur que de l’utilisateur. Il appartient en effet à l’utilisateur de tendre la lame correctement, de la nettoyer, de la ranger correctement afin d’éviter qu’elle se corrode, d’éviter de couper du bois sur lequel on retrouve des abrasifs (le sable, la terre, la poussière, les métaux, etc.), d’informer l’affûteur en ce qui a trait à l’essence de bois qui sera coupée, etc. Il faut admettre enfin qu’une lame, aussi bien affûtée soit-elle, peut couper pendant 24 heures ou pendant … 3 secondes seulement. C’est la vie!





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